Romstorie : La question rom à l’Assemblée Nationale, un renard dans les travées
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Romstorie : La question rom à l’Assemblée Nationale, un renard dans les travées
"Un demi-million de Roms français étrangers dans leur propre pays, c’est dans le Journal officiel."
http://blogs.mediapart.fr/blog/jacques-debot/120215/romstorie-la-question-rom-l-assemblee-nationale-un-renard-dans-les-travees
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Romstorie : La question rom à l’Assemblée Nationale, un renard dans les travées
12 février 2015 | Par Jacques DEBOT
Attentifs à la question rom, nous avons lâché un renard à grandes oreilles dans les travées de l’Assemblée Nationale. C’est grâce aux fox-news, aux nouvelles de ce renard, que nous amassons matière à rédiger la Romstorie, l’histoire contemporaine des Roms dans notre pays.
Le compère est virtuel, niché dans les nuages, le cloud informatique. Il propage auprès du public le verbatim des séances minutieusement transcrit par les rédacteurs des comptes-rendus de l’Assemblée. On l’appelle parfois voleur de poules ou Romespierre pour le taquiner, mais son vrai nom serait plutôt Firefox. Sa parole d’aujourd’hui est celle du Journal officiel.
A l’aide d’Internet, nous avons recensé la soixantaine de questions écrites des députés aux ministres et de questions orales avec débat posées au Gouvernement au sujet des Roms pendant les trente mois écoulés, entre les élections législatives de juin 2012 et janvier 2015.
Notre enquête porte sur cette courte période et n’aborde ni les éventuels projets et propositions de loi, les rapports, les textes qui auraient pu être adoptés avec leurs amendements. Dès le début de notre recherche, nous avons laissé de côté l’expression « Gens du voyage » afin de limiter nos résultats aux seuls Roms migrants, roumains, bulgares, des Balkans, etc. Malgré cela, les deux questions sont si étroitement liées qu’il est presque impossible de les départager.
Laissant également de côté les questions des sénateurs, nous avons « resserré la focale » sur les questions des députés et les réponses du Gouvernement. (On écrit QE pour question écrite, QO pour question orale avec débat, QG pour question au gouvernement)
Au départ, nous pouvions raisonnablement supposer que le législateur distinguait les Roms migrants qui sont des citoyens européens, des Gens du Voyage, citoyens français, catégorie juridique introduite par une loi de 1969 dans le seul droit français et dans nul autre pays d’Europe.
La confusion entre Roms migrants et Gens du voyage s’est accentuée depuis le discours de Grenoble en juillet 2010 et perdure dans les questions, les réponses et le répertoire informatique de l’Assemblée Nationale. La question du député Michel Herbillon (UMP, Val de Marne QE 42736), relative à l’installation d’une aire d'accueil des Gens du voyage sur le plateau de Gravelle, apparait sous la tête d’analyse : roms (sans majuscule), dans la rubrique : étrangers. Un demi-million de Roms français étrangers dans leur propre pays, c’est dans le Journal officiel.
Toujours présentée comme nomade en 2014, d’après la réponse donnée au député Franck Gilard (UMP Eure QE 17332) « la communauté des Gens du voyage est caractérisée par un mode de vie non sédentaire et donc un habitat mobile ». De leur côté, les historiens et sociologues caractérisent les modes de vie des « Gens du voyage » en sédentaires pour 1/3 d’entre eux, 1/3 d’itinérants, 1/3 de semi-sédentaires avec des déplacements saisonniers.
Rappelons que sur le terrain cet « habitat mobile », ainsi nommé et reconnu devant les élus de la nation, perdra son appellation et son statut juridique protecteur de l’habitation pour devenir « une épave de véhicule abandonnée » quand il s’agira de broyer les caravanes à la pelleteuse.
Au gré des questions et réponses, le Gouvernement et la représentation nationale peinent à définir précisément qui est le Rom. Manuel Valls dans une réponse (QG 654) à Marion Maréchal Le Pen, députée du Vaucluse, parle d’enfants de culture rom… L’expression pourrait être sujette à interprétation malheureuse quand on sait comment l’extrême-droite, coutumière de la sémantique piégée, nous glisse le mot culture pour nous faire entendre le mot race. Dès lors, comment faire cohabiter les Roms de culture et les Français de souche?
En octobre 2014 le ministre du Logement, en réponse à Jean Jacques Candelier député communiste du Nord (QE 64473) embrouille un peu plus le débat en mentionnant que le terme « roms » utilisé en France fait référence aux populations migrantes originaires d'Europe de l'est, tandis que la définition donnée par l'Union européenne est plus large, englobant notamment les populations tsiganes et gens du voyage. Ce qui pourrait amener à penser que les Gens du voyage ne sont pas tsiganes… Les Pays de l’ex-Yougoslavie sont-ils au sud ou à l’est ? Comprenne qui pourra.
Ce Rom est tantôt français, étranger, tsigane ou peut-être pas, nomade, sédentaire, essentiellement roumain ou bulgare, en mauvais état sanitaire, potentiellement contagieux, souvent délinquant, indésirable.
Dans la réponse donnée au député Jean-Frédéric Poisson (UMP Yvelines QE 32553), il est écrit que «le terme roms renvoie à une notion ethnique, inopérante en droit français. Conformément au cadre constitutionnel français, l'État aborde la question des populations vivant en campement sans considération de leur origine ». Le Rom proprement dit, ce vieux campeur en manque de considération, n’existe pas dans la constitution de l’Etat, dans le langage de l’Etat, dans le droit français. Aurait-on, enfin trouvé le moyen de s’en débarrasser ?
Le député Philippe Meunier (UMP Rhône QE 24806) interroge le ministre de l’Intérieur pour connaître le nombre d'enfants roms scolarisés dans les écoles du département du Rhône en 2012. Le ministre lui oppose l’article 1er de la Constitution, la République indivisible et l’impossibilité de recenser la population sur des indicateurs ethniques ou raciaux, voilà pourquoi notre Marianne est muette.
Six mois plus tard, l’article 1er passera au second plan. La députée Véronique Besse (NI Vendée, QO 319) s’inquiète de l’absentéisme des enfants Roms à l’école et au collège de Montaigu. Elle pouvait poser la question à l’Inspecteur d’Académie, elle préfère interpeler le ministre de l’Intérieur.
On rassure la députée vendéenne en l’informant des mesures prises par l’Education nationale pour organiser l’accueil spécifique des enfants roms, les rappels à la loi aux parents de ces enfants roms de la commune, etc. On lui indique même trois signalements pour absentéisme des enfants roms du collège. Les Roms sont bien spécifiquement under-control dans notre pays qui s’interdit les indicateurs ethniques ou raciaux. Le député Philippe Meunier du Rhône a du avoir l'impression qu'on s'était un peu payé sa tête...
Les enfants roms, les tickné, passionnent les députés. Éric Ciotti (UMP Alpes Maritimes QE 5233) les a vus mendier et suggère de les retirer à leurs parents, Pierre Lellouche (UMP Paris QG 846) ne supporte plus ces conditions scandaleuses qui transforment sa plus belle ville du monde en dortoir géant, son collègue Philippe Goujon (UMP Paris QG 1748) dénonce la pratique d’une délinquance de masse, Pascal Popelin (Socialiste, Seine Saint Denis QE 22767) estime que le droit actuel est inadapté à cette situation préoccupante et demande un renforcement de l’arsenal juridique.
Les députés ne semblent attendre de réponses que du juge et du gendarme. Les deux tiers des questions, y compris sur la scolarité ou la santé publique, sont adressées aux ministres de l’Intérieur et de la Justice. Le ministre des Affaires européennes, maître des fonds structurels et des euro millions, collecte le reste des questions, laissant des miettes infimes que se partagent le Logement et l’Education, les préoccupations premières des Roms migrants.
La déclaration du docteur Jean-François Corty, directeur des opérations France de Médecins du Monde, qui dénonçait « une véritable volonté politique d’empêcher les Roms de rester sur le territoire français, en utilisant la médecine comme arme contre les flux migratoires » nous renvoie les échos de l’hémicycle.
Jean Pierre Dufau, député socialiste des Landes, aurait sans doute mieux fait d’éviter l’expression « bombe sanitaire » pour parler des Roms. (QE 57960). Michel Pajon, député socialiste de Seine Saint Denis redoute les petits Roms tuberculeux qui pourraient contaminer les camarades de classe et réclame une campagne de vaccination massive. (QE 23043) Les propos du gouvernement qui considère que les conditions de salubrité dans ces campements, le péril pour la santé et la sécurité de leurs occupants, nécessitent une politique assumé, etc. reviennent dans la plupart des réponses aux députés.
Pour nous détendre, (j’avais écrit : pour nous défendre, lapsus calami) un humoriste s’est mis de la partie. Effaré du spectacle de ces miséreux poussant dans la boue leurs caddies chargés de rebuts et de hardes, le député Jean François Mancel (UMP Oise QE 47712) exige une sévérité accrue des sanctions judiciaires contre ces populations coutumières de la rapine et détestées pour leurs maraudes. Si vous avez le temps de lire sa question http://questions.assemblee-nationale.fr/q14/14-47712QE.htm et la rubrique « affaires judiciaires » au bas de la page sur http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Fran%C3%A7ois_Mancel, l’effet rigolade est garanti.
Il faut rendre cette justice aux députés que les questions posées ne sont pas toutes aussi décoiffantes, mais souvent parfaitement légitimes. Pierre Morel-A-L’Huissier, député UMP de Lozère est fondé à s’interroger sur « les réseaux structurés d’exploitation de mineurs » et ne dresse pas pour autant un tableau apocalyptique de la situation, à seule fin d’inclure la réponse souhaitée dans la question (QE 60368). Thierry Mandon (maintenant secrétaire d’Etat à la Réforme de l’Etat) alors qu’il était député socialiste de l’Essonne s’inquiétait avec raison des carences et contradictions de la circulaire du 26 Août 2012. (QE 17982).
Une fois encore, la carte tirée du Tarot des Bohémiens se révèle être la roue d’infortune et son infernal mouvement circulaire. L’information, les propos, les décisions, les opinions tournent en rond. Nous verrons dans un prochain article à paraître le vendredi 20 février, comment on peut craindre que sur la question Rom, certains élus, à gauche et à droite, de l’extrême gauche à l’extrême droite se tendent la main, se rejoignent et s’accordent à prolonger indéfiniment la misère des Roms dans notre pays.
L’hémicycle court le danger de se contracter, de se refermer en un cercle pas forcément vertueux pour étouffer la question rom. La circulaire du 26 Août 2012 a permis de laisser les maires sous-traiter à leur guise, selon l’expression d’Éric Fassin, la politique municipale de la race. Les initiatives à prendre, les repérages efficaces dans le labyrinthe judiciaire leur sont communiqués sur intranet accessible par les préfectures pour une confrontation inégale, asymétrique, avec les Roms et leurs petits collectifs locaux de défense, leurs moyens financiers inexistants. L’arme confidentialisée de l’information interne et des schémas tactiques à mettre en œuvre par intranet pour démanteler sans coup férir les lieux de vie des Roms représente un signal inquiétant pour notre démocratie, et pas seulement pour les Roms.
La suite dans huit jours, en ligne sur Médiapart, le vendredi 20 février : Romstorie : Les tavelures du drapeau.
Pour retrouver le texte complet des questions et réponses, aller sur le site de l’Assemblée Nationale : http://www.assemblee-nationale.fr/ puis sur Documents parlementaires, puis sur Questions écrites et orales, inscrire le numéro de la question et lancer la recherche.
12 février 2015 | Par Jacques DEBOT
Attentifs à la question rom, nous avons lâché un renard à grandes oreilles dans les travées de l’Assemblée Nationale. C’est grâce aux fox-news, aux nouvelles de ce renard, que nous amassons matière à rédiger la Romstorie, l’histoire contemporaine des Roms dans notre pays.
Le compère est virtuel, niché dans les nuages, le cloud informatique. Il propage auprès du public le verbatim des séances minutieusement transcrit par les rédacteurs des comptes-rendus de l’Assemblée. On l’appelle parfois voleur de poules ou Romespierre pour le taquiner, mais son vrai nom serait plutôt Firefox. Sa parole d’aujourd’hui est celle du Journal officiel.
A l’aide d’Internet, nous avons recensé la soixantaine de questions écrites des députés aux ministres et de questions orales avec débat posées au Gouvernement au sujet des Roms pendant les trente mois écoulés, entre les élections législatives de juin 2012 et janvier 2015.
Notre enquête porte sur cette courte période et n’aborde ni les éventuels projets et propositions de loi, les rapports, les textes qui auraient pu être adoptés avec leurs amendements. Dès le début de notre recherche, nous avons laissé de côté l’expression « Gens du voyage » afin de limiter nos résultats aux seuls Roms migrants, roumains, bulgares, des Balkans, etc. Malgré cela, les deux questions sont si étroitement liées qu’il est presque impossible de les départager.
Laissant également de côté les questions des sénateurs, nous avons « resserré la focale » sur les questions des députés et les réponses du Gouvernement. (On écrit QE pour question écrite, QO pour question orale avec débat, QG pour question au gouvernement)
Au départ, nous pouvions raisonnablement supposer que le législateur distinguait les Roms migrants qui sont des citoyens européens, des Gens du Voyage, citoyens français, catégorie juridique introduite par une loi de 1969 dans le seul droit français et dans nul autre pays d’Europe.
La confusion entre Roms migrants et Gens du voyage s’est accentuée depuis le discours de Grenoble en juillet 2010 et perdure dans les questions, les réponses et le répertoire informatique de l’Assemblée Nationale. La question du député Michel Herbillon (UMP, Val de Marne QE 42736), relative à l’installation d’une aire d'accueil des Gens du voyage sur le plateau de Gravelle, apparait sous la tête d’analyse : roms (sans majuscule), dans la rubrique : étrangers. Un demi-million de Roms français étrangers dans leur propre pays, c’est dans le Journal officiel.
Toujours présentée comme nomade en 2014, d’après la réponse donnée au député Franck Gilard (UMP Eure QE 17332) « la communauté des Gens du voyage est caractérisée par un mode de vie non sédentaire et donc un habitat mobile ». De leur côté, les historiens et sociologues caractérisent les modes de vie des « Gens du voyage » en sédentaires pour 1/3 d’entre eux, 1/3 d’itinérants, 1/3 de semi-sédentaires avec des déplacements saisonniers.
Rappelons que sur le terrain cet « habitat mobile », ainsi nommé et reconnu devant les élus de la nation, perdra son appellation et son statut juridique protecteur de l’habitation pour devenir « une épave de véhicule abandonnée » quand il s’agira de broyer les caravanes à la pelleteuse.
Au gré des questions et réponses, le Gouvernement et la représentation nationale peinent à définir précisément qui est le Rom. Manuel Valls dans une réponse (QG 654) à Marion Maréchal Le Pen, députée du Vaucluse, parle d’enfants de culture rom… L’expression pourrait être sujette à interprétation malheureuse quand on sait comment l’extrême-droite, coutumière de la sémantique piégée, nous glisse le mot culture pour nous faire entendre le mot race. Dès lors, comment faire cohabiter les Roms de culture et les Français de souche?
En octobre 2014 le ministre du Logement, en réponse à Jean Jacques Candelier député communiste du Nord (QE 64473) embrouille un peu plus le débat en mentionnant que le terme « roms » utilisé en France fait référence aux populations migrantes originaires d'Europe de l'est, tandis que la définition donnée par l'Union européenne est plus large, englobant notamment les populations tsiganes et gens du voyage. Ce qui pourrait amener à penser que les Gens du voyage ne sont pas tsiganes… Les Pays de l’ex-Yougoslavie sont-ils au sud ou à l’est ? Comprenne qui pourra.
Ce Rom est tantôt français, étranger, tsigane ou peut-être pas, nomade, sédentaire, essentiellement roumain ou bulgare, en mauvais état sanitaire, potentiellement contagieux, souvent délinquant, indésirable.
Dans la réponse donnée au député Jean-Frédéric Poisson (UMP Yvelines QE 32553), il est écrit que «le terme roms renvoie à une notion ethnique, inopérante en droit français. Conformément au cadre constitutionnel français, l'État aborde la question des populations vivant en campement sans considération de leur origine ». Le Rom proprement dit, ce vieux campeur en manque de considération, n’existe pas dans la constitution de l’Etat, dans le langage de l’Etat, dans le droit français. Aurait-on, enfin trouvé le moyen de s’en débarrasser ?
Le député Philippe Meunier (UMP Rhône QE 24806) interroge le ministre de l’Intérieur pour connaître le nombre d'enfants roms scolarisés dans les écoles du département du Rhône en 2012. Le ministre lui oppose l’article 1er de la Constitution, la République indivisible et l’impossibilité de recenser la population sur des indicateurs ethniques ou raciaux, voilà pourquoi notre Marianne est muette.
Six mois plus tard, l’article 1er passera au second plan. La députée Véronique Besse (NI Vendée, QO 319) s’inquiète de l’absentéisme des enfants Roms à l’école et au collège de Montaigu. Elle pouvait poser la question à l’Inspecteur d’Académie, elle préfère interpeler le ministre de l’Intérieur.
On rassure la députée vendéenne en l’informant des mesures prises par l’Education nationale pour organiser l’accueil spécifique des enfants roms, les rappels à la loi aux parents de ces enfants roms de la commune, etc. On lui indique même trois signalements pour absentéisme des enfants roms du collège. Les Roms sont bien spécifiquement under-control dans notre pays qui s’interdit les indicateurs ethniques ou raciaux. Le député Philippe Meunier du Rhône a du avoir l'impression qu'on s'était un peu payé sa tête...
Les enfants roms, les tickné, passionnent les députés. Éric Ciotti (UMP Alpes Maritimes QE 5233) les a vus mendier et suggère de les retirer à leurs parents, Pierre Lellouche (UMP Paris QG 846) ne supporte plus ces conditions scandaleuses qui transforment sa plus belle ville du monde en dortoir géant, son collègue Philippe Goujon (UMP Paris QG 1748) dénonce la pratique d’une délinquance de masse, Pascal Popelin (Socialiste, Seine Saint Denis QE 22767) estime que le droit actuel est inadapté à cette situation préoccupante et demande un renforcement de l’arsenal juridique.
Les députés ne semblent attendre de réponses que du juge et du gendarme. Les deux tiers des questions, y compris sur la scolarité ou la santé publique, sont adressées aux ministres de l’Intérieur et de la Justice. Le ministre des Affaires européennes, maître des fonds structurels et des euro millions, collecte le reste des questions, laissant des miettes infimes que se partagent le Logement et l’Education, les préoccupations premières des Roms migrants.
La déclaration du docteur Jean-François Corty, directeur des opérations France de Médecins du Monde, qui dénonçait « une véritable volonté politique d’empêcher les Roms de rester sur le territoire français, en utilisant la médecine comme arme contre les flux migratoires » nous renvoie les échos de l’hémicycle.
Jean Pierre Dufau, député socialiste des Landes, aurait sans doute mieux fait d’éviter l’expression « bombe sanitaire » pour parler des Roms. (QE 57960). Michel Pajon, député socialiste de Seine Saint Denis redoute les petits Roms tuberculeux qui pourraient contaminer les camarades de classe et réclame une campagne de vaccination massive. (QE 23043) Les propos du gouvernement qui considère que les conditions de salubrité dans ces campements, le péril pour la santé et la sécurité de leurs occupants, nécessitent une politique assumé, etc. reviennent dans la plupart des réponses aux députés.
Pour nous détendre, (j’avais écrit : pour nous défendre, lapsus calami) un humoriste s’est mis de la partie. Effaré du spectacle de ces miséreux poussant dans la boue leurs caddies chargés de rebuts et de hardes, le député Jean François Mancel (UMP Oise QE 47712) exige une sévérité accrue des sanctions judiciaires contre ces populations coutumières de la rapine et détestées pour leurs maraudes. Si vous avez le temps de lire sa question http://questions.assemblee-nationale.fr/q14/14-47712QE.htm et la rubrique « affaires judiciaires » au bas de la page sur http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Fran%C3%A7ois_Mancel, l’effet rigolade est garanti.
Il faut rendre cette justice aux députés que les questions posées ne sont pas toutes aussi décoiffantes, mais souvent parfaitement légitimes. Pierre Morel-A-L’Huissier, député UMP de Lozère est fondé à s’interroger sur « les réseaux structurés d’exploitation de mineurs » et ne dresse pas pour autant un tableau apocalyptique de la situation, à seule fin d’inclure la réponse souhaitée dans la question (QE 60368). Thierry Mandon (maintenant secrétaire d’Etat à la Réforme de l’Etat) alors qu’il était député socialiste de l’Essonne s’inquiétait avec raison des carences et contradictions de la circulaire du 26 Août 2012. (QE 17982).
Une fois encore, la carte tirée du Tarot des Bohémiens se révèle être la roue d’infortune et son infernal mouvement circulaire. L’information, les propos, les décisions, les opinions tournent en rond. Nous verrons dans un prochain article à paraître le vendredi 20 février, comment on peut craindre que sur la question Rom, certains élus, à gauche et à droite, de l’extrême gauche à l’extrême droite se tendent la main, se rejoignent et s’accordent à prolonger indéfiniment la misère des Roms dans notre pays.
L’hémicycle court le danger de se contracter, de se refermer en un cercle pas forcément vertueux pour étouffer la question rom. La circulaire du 26 Août 2012 a permis de laisser les maires sous-traiter à leur guise, selon l’expression d’Éric Fassin, la politique municipale de la race. Les initiatives à prendre, les repérages efficaces dans le labyrinthe judiciaire leur sont communiqués sur intranet accessible par les préfectures pour une confrontation inégale, asymétrique, avec les Roms et leurs petits collectifs locaux de défense, leurs moyens financiers inexistants. L’arme confidentialisée de l’information interne et des schémas tactiques à mettre en œuvre par intranet pour démanteler sans coup férir les lieux de vie des Roms représente un signal inquiétant pour notre démocratie, et pas seulement pour les Roms.
La suite dans huit jours, en ligne sur Médiapart, le vendredi 20 février : Romstorie : Les tavelures du drapeau.
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